Une nécessaire déception
Comme Jésus marchait le long du lac de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon,
qui jetaient un filet dans le lac ; c’étaient en effet des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Suivez-moi, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ».
Aussitôt, ils laissèrent leurs filets et le suivirent.
Marc 1,16-18
Qu’est-ce qu’il a bien pu se passer dans la tête de ces frères pour qu’ils lâchent leurs filets et se mettent à la suite d’un maître qu’ils ne connaissent pas vraiment ? Depuis leur plus jeune âge, ils ont appris à être pêcheurs et voilà que l’appel de Jésus fait irruption dans leur quotidien. Ce maître leur propose une autre vie et il semblerait qu’ils n’hésitent pas un instant avant d’accepter. En laissant leurs filets, ils quittent ce qui est connu et ce qui leur donnait une certaine sécurité. Ils sont prêts à se jeter dans une aventure dont ils ne ressortiront pas les mêmes. Ils acceptent de suivre Jésus et de devenir des pêcheurs d’hommes… Pas sûr qu’ils sachent vraiment ce qui les attend.
Et l’on peut se demander ce qui les a poussés à prendre une décision aussi importante, aussi rapidement. Étaient-ils satisfaits de la vie qu’ils menaient jusque-là ? Si cela avait été le cas, ils n’auraient probablement pas lâché leurs filets. En acceptant la vie comme elle vient, en se satisfaisant de ce qu’il nous arrive, il n’y aurait plus rien à chercher ou à attendre. La satisfaction ne met pas en mouvement. Dans des termes matérialistes, c’est certainement un idéal à rechercher, mais en terme spirituel cela reste bien statique. Si la vie nous satisfait en tout point, il n’y a plus rien à espérer. A l’opposé si ces disciples avaient été découragés par leur situation, même l’appel de Jésus ne les aurait pas mis en route. Dans ce cas, ils n’auraient plus cru en un changement possible. Le désespoir aurait pris toute la place et paralysé toute initiative apportant du changement. Entre ces deux positions, la satisfaction et le désespoir, on peut penser que ces disciples vivaient effectivement une déception pour lâcher aussi rapidement leurs filets. Mais, ils pensaient qu’une vie différente était possible, que les choses pourraient prendre un autre tournant. Cette déception a nourri leur espérance. Au lieu de se replier sur eux-mêmes dans une déception paralysante, ils se sont levés et sont partis à la suite du Christ. Avec le désir secret de voir quelque chose changer pour eux et peut-être même pour le monde.
Et nous que faisons-nous de nos déceptions ? Est-ce qu’elles nous font baisser les bras ou est-ce qu’elles nous mettent en action ? Il n’est certainement pas enviable d’être déçu, mais la déception est peut-être bien nécessaire, pour recevoir l’élan d’un changement.
Ces deux frères n’étaient pas des savants, ni des personnes très pieuses, mais ils étaient prêts à changer de vie. Jésus a reconnu quelque chose en eux. Il pensait qu’ils seraient les personnes idéales pour le suivre, apprendre de lui et annoncer la bonne nouvelle par la suite. La patience et la persévérance dont ils avaient besoin en tant que pêcheur s’avéreront utiles sur le chemin avec le Christ. La patience de ne pas voir des changements aussi radicaux qu’ils au raient espérés et la persévérance de poursuivre le travail pour ce Royaume de Dieu. Alors pour ces disciples et pour nous, ce ne sera pas la déception qui aura le dernier mot, mais la curiosité, le courage et l’espérance d’un autre monde possible
Emmanuelle Dobler
Extrait de la brochure de méditations et de prières Espérer - page 22 et 23
Disponible ici : https://www.paroisse-fribourg.ch/brochures/