Nouvelle-Calédonie : l’Église protestante partie-prenante des débats — Communauté d'Églises en mission

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Nouvelle-Calédonie : l’Église protestante partie-prenante des débats

Annoncés avec tambour et trompette, les accords de Bougival ont été rapidement dénoncés par le FLNKS, l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités, et l’Église protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie.



Pour la Cevaa, Olivier Houdard, trésorier général de l’EPKNC et nouveau trésorier de notre communauté d’Églises, revient sur le contexte des rencontres qui ont précédé cet accord et les raisons des incompréhensions.

Comment analyser-vous la situation et les étapes qui ont accompagnées les débats ?

« Pour commencer, il est intéressant d’analyser les causes des réactions violentes que nous avons connues en Nouvelle-Calédonie. J’en vois principalement deux. Une source politique, avec la radicalisation de certains membres de l'Union calédonienne à travers la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT). Une source sociale à travers la révolte des jeunes qui illustre, plus profondément, une révolte du système. Aujourd'hui, les jeunes, notamment ceux qui résident dans la périphérie urbaine de Nouméa, sont au milieu de deux mondes : celui de l’urbanisation et celui de leur origine. Ils vivent dans ce monde qui les entoure, tout en n'étant plus dans le monde kanak. Quand on leur demande d’où ils sont et qu’ils répondent qu'ils sont de tel quartier de Nouméa, ils ont perdu leurs racines.

C’est d’ailleurs dans la banlieue et la périphérie de Nouméa et du Grand Nouméa que la violence a explosé, et ce n'est pas pour rien. Dans la brousse où je vis, dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, nous n’avons pas ressenti les événements. C'est vraiment local et cela illustre un rejet du monde sociétal qui est en cours et qui a été amplifié par les errances politiques que nous avons connues.

C’est d’ailleurs pour cela que la réforme du droit de vote, n’est pas en soi, la cause de la révolte. C'est le traitement de cette réforme, sa précipitation et le passage en force qui a provoqué des réactions. Aujourd'hui, les politiques, y compris les indépendantistes, ne sont pas opposés à une révision du corps électoral, à condition qu’elle s'inscrive dans un projet global qui a du sens.

Beaucoup auraient aimé que l’on reparte de l’idée de souveraineté, développée par l'Église en 1979 : un peuple premier, qui est kanak, qui a ses droits à l'autodétermination, et des peuples qui sont arrivés du fait de l'Histoire. Notre président les appelle les « inattendus ». Ils font partie de la société kanako-calédonienne et il n’est pas question de souhaiter leur départ. Mais, la notion de peuple premier est essentielle.

 

Diriez-vous que certaines postures ont compliqué les échanges ?

Dans la gestion des épisodes de violence, des erreurs politiques ont été faites dès le départ. De nombreux signaux négatifs ont été envoyés, souvent par manque de lucidité. La nomination de Sonia Backès, élue loyaliste de la province sud, au poste de secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté, n’était pas anodine dans le contexte calédonien. La neutralité de l'État a été remise en cause par les indépendantistes. La disparition du ministère de l'Outre-mer, lors de son intégration au ministère de l'Intérieur a également été très mal perçue. C’est comme si nous devenions des simples départements avec l’effacement de toutes les spécificités d’un territoire d’Outre-mer.

Les responsables coutumiers ont également regretté de ne pas avoir été associés aux accords de Bougival. Une fois de plus, les accords ont été traités de manière politicienne, uniquement entre les partis politiques. La société civile (à travers les syndicats, les chefs d’entreprise les responsables coutumiers) a bien été reçue à Paris, mais en parallèle des accords. Il s’agit, là aussi, d’une erreur.

La situation politique, que nous connaissons, émane du faux-semblant que nous gérons depuis quarante ans, depuis les accords de Matignon et de Nouméa. Les responsables se sont principalement occupés de gestion institutionnelle, oubliant de construire un projet de société qui unit les peuples. Je prends toujours l'image de deux rails, qui ne se rencontrent jamais. Certes, on vit ensemble, on vit l'un à côté de l'autre, mais on ne s'est jamais rencontré. Les enjeux nationaux ont pris le dessus sur les enjeux calédoniens, comme souvent. Les seules fois où on se rencontre, c'est dans des moments de violence et d'explosion, parce qu'à un moment donné, la soupape doit lâcher.

 

Est-ce que les Kanak ont tout bien géré ?

Nous pouvons aussi prendre notre part de responsabilité dans l’échec des accords de Matignon et Nouméa qui prévoyaient un transfert de compétence. Ce transfert a été réalisé et il ne reste que les compétences régaliennes à transférer pour devenir un pays souverain. Cependant, nous n’avons pas su nous approprier les compétences pour adapter les textes au contexte calédonien. 90 % des textes sont composés de copier-coller avec les textes métropolitains, et nous commençons seulement à nous en rendre compte.

À travers l’adaptation des textes aux aspirations de la société calédonienne, nous avons certainement la possibilité d’écrire un véritable projet de société où tout le monde se retrouve. Un projet de société qui permette de construire un pays avec ses particularités et sa dimension multiculturelle.

Notre Église, à travers son appellation Eglise Protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie,  fait des propositions en ce sens. On pourrait, par exemple, remplacer la notion de société calédonienne par une société kanako-calédonienne, de manière à introduire une reconnaissance du peuple premier et intégrer l’évolution de la société.

Il existe réellement des voies pour bâtir un vrai projet de société. »

 

New Caledonia: the Protestant Church involved in the debates

 

Announced with great fanfare, the Bougival agreements were quickly denounced by the FLNKS, the Union Syndicale des Travailleurs Kanaks et des Exploités (Union of Kanak and Exploited Workers), and the Protestant Church of Kanaky New Caledonia.

 

For the Cevaa, Olivier Houdard, general treasurer of the EPKNC and new treasurer of our community of churches, looks back at the context of the meetings that preceded this agreement and the reasons for the misunderstandings.

 

How do you analyse the situation and the stages that accompanied the debates?

"To begin with, it is interesting to analyse the causes of the violent reactions we have seen in New Caledonia. I see two main causes. One is political, with the radicalisation of certain members of the Caledonian Union through the Field Action Coordination Unit (CCAT). A social source, through the youth revolt, which more profoundly illustrates a revolt against the system. Today, young people, especially those living on the outskirts of Nouméa, are caught between two worlds: that of urbanisation and that of their origins. They live in the world around them, while no longer being part of the Kanak world. When asked where they are from and they reply that they are from a particular neighbourhood of Nouméa, they have lost their roots.

It was in the suburbs and outskirts of Nouméa and Greater Nouméa that violence erupted, and for good reason. In the bush where I live, in northern New Caledonia, we did not feel the impact of these events. It is truly localised and illustrates a rejection of society that is ongoing and has been amplified by the political turmoil we have experienced.

This is why the reform of voting rights is not, in itself, the cause of the revolt. It is the way this reform has been handled, its haste and the fact that it has been forced through, that has provoked reactions. Today, politicians, including those in favour of independence, are not opposed to a review of the electorate, provided that it is part of a meaningful overall project.

Many would have liked to have started from the idea of sovereignty developed by the Church in 1979: a first people, the Kanak, who have the right to self-determination, and peoples who arrived as a result of history. Our president calls them the ‘unexpected’. They are part of Kanak-Caledonian society and there is no question of wanting them to leave. But the notion of the original people is essential.

 

Would you say that certain positions have complicated the discussions?

In managing the episodes of violence, political mistakes were made from the outset. Many negative signals were sent, often due to a lack of clarity. The appointment of Sonia Backès, a loyalist elected representative from the southern province, to the position of Secretary of State for Citizenship was not insignificant in the New Caledonian context. The neutrality of the State was called into question by the independence movement. The disappearance of the Ministry of Overseas Territories, when it was integrated into the Ministry of the Interior, was also very poorly received. It was as if we had become mere departments, with all the specific characteristics of an overseas territory being erased.

Traditional leaders also regretted not having been involved in the Bougival agreements. Once again, the agreements were handled in a political manner, solely between political parties. Civil society (through trade unions, business leaders and traditional leaders) was well received in Paris, but in parallel with the agreements. This, too, was a mistake.

The political situation we are familiar with stems from the pretence we have been managing for forty years, since the Matignon and Nouméa Accords. Those in charge have mainly focused on institutional management, forgetting to build a social project that unites peoples. I always use the image of two rails that never meet. Of course, we live together, we live side by side, but we have never met. National issues have taken precedence over Caledonian issues, as is often the case. The only times we meet is in moments of violence and explosion, because at some point, the pressure has to be released.

 

Have the Kanaks handled everything well?

We can also take our share of responsibility for the failure of the Matignon and Nouméa Accords, which provided for a transfer of powers. This transfer has been carried out and only sovereign powers remain to be transferred in order to become a sovereign country. However, we have not been able to take ownership of the powers to adapt the texts to the New Caledonian context. 90% of the texts are copied and pasted from metropolitan texts, and we are only just beginning to realise this.

By adapting the texts to the aspirations of Caledonian society, we certainly have the opportunity to draft a genuine social project that everyone can identify with. A social project that will enable us to build a country with its own unique characteristics and multicultural dimension.

Our Church, through its name, the Protestant Church of Kanaky New Caledonia, is making proposals to this effect. For example, we could replace the notion of Caledonian society with a Kanako-Caledonian society, in order to introduce recognition of the indigenous people and integrate the evolution of society.

There are real ways to build a true social project.

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