Sida : accompagner et réinsérer les malades — Communauté d'Églises en mission

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Sida : accompagner et réinsérer les malades

Au Togo, les malades du Sida sont souvent victimes de discriminations, voire rejetés par leur propre famille. Il ne suffit pas toujours de soigner, il faut lutter contre la stigmatisation : accueillir les malades, les accompagner sur les plans psychologique et spirituel, et les aider à se réinsérer dans la société. C'est l'action menée, avec le soutien de la Cevaa, par une structure installée à Notsé, dans la région ecclésiastique du sud-est de l'EEPT (l'Église Évangélique Presbytérienne du Togo).

Donata Mawulawoe Etsi Quashie, chef de la division lutte contre la pauvreté de l'EEPT © Cevaa

 

La situation sanitaire a beau s'améliorer, l'information être mieux diffusée, la perception du Sida au Togo n'évolue que lentement : pour beaucoup, c'est encore une maladie honteuse, qui se cache, jusqu'au sein même des familles. La prévalence du VIH a diminué de 40% en une décennie ; fin 2018, selon les chiffres de l'État togolais, elle était de 3,5% en ville et de 1,5% en zone rurale. Chaque année 11.000 malades sont traités avec l'appui de l’ONUSIDA-Togo. Mais si les antirétroviraux permettent d'améliorer très significativement la qualité de vie des patients porteurs du VIH, seule une partie des malades y a effectivement accès, et le manque d'information, ainsi que la peur de la stigmatisation, jouent un grand rôle dans ce décalage.

«Les femmes sont souvent les plus fragilisées», explique ainsi Donata Mawulawoe Etsi Quashie. «Elles cachent leur maladie aussi longtemps qu'elles le peuvent, tout en continuant à assumer toutes les tâches de la vie quotidienne. Et quand elles n'ont plus assez de forces et ne peuvent plus dissimuler leur état, elles sont rejetées par leur famille, et se retrouvent sans rien. Suivre un traitement n'est pas le seul problème : on ne peut pas avaler des antirétroviraux avec le ventre vide. Ces malades dont plus personne ne veut, il faut d'abord les réinsérer dans la société.»

«Dès qu'il est question de Sida, les bouches se ferment»

Pour aller plus loin :

Chef de la division lutte contre la pauvreté de l'EEPT (l'Église Évangélique Presbytérienne du Togo), Donata Mawulawoe Etsi Quashie porte un projet d'accompagnement des malades du Sida, qui bénéficie du soutien financier de la Cevaa. «Nous avons constaté le grand manque de structures adaptées dans notre pays, que ce soit au niveau national ou au niveau local ; alors, nous avons décidé de commencer par mettre en place une structure au niveau régional.» Elle a été installée dans la région ecclésiastique du sud-est, à Notsé, dans une infirmerie qui était peu utilisée. Une première équipe de quatre personnes a été montée pour créer des groupes de parole, mener des actions de sensibilisation, et animer des formations pour aider les malades à avoir leurs propres activités génératrices de revenus.

«Nous avons commencé en accompagnant quarante malades, raconte Donata Mawulawoe Etsi Quashie. Ça nous a pris beaucoup de temps, car il a d'abord fallu instaurer la confiance. Dès qu'il est question de Sida, les bouches se ferment, tout reste caché ; les patients eux-mêmes vont mettre leurs problèmes de santé sur le compte d'une autre maladie, d'un envoûtement... Pour ne pas risquer d'accroître leur stigmatisation, nous n'avons pas voulu que l'infirmerie soit trop marquée par cette seule activité de soutien : elle se déroule parmi d'autres actions menées dans le cadre de programmes de l'État (l'infirmerie étant une structure publique). Moyennant quoi, par des actions de sensibilisation dans les paroisses, par de la patience, nous avons pu faire venir ces malades pour leur apporter un soutien à la fois psychologique et spirituel.»

Le cas des enfants

L'accompagnement porte ses fruits. Beaucoup de ces quarante premiers malades bénéficient désormais d'un suivi moins systématique et ont pu se réinsérer en gérant leurs propres activités génératrices de revenus. Mais certains ont fini par succomber à la maladie. Et Donata Mawulawoe Etsi Quashie voit encore des situations dramatiques, notamment lorsque des enfants sont concernés : «quand les parents sont malades, même si les enfants eux-mêmes ne sont pas directement touchés, ils se retrouvent dans de grandes difficultés : il faut économiser jusque sur les frais d'écolage. Et quand des enfants ou des jeunes sont infectés, ils peuvent sombrer dans le pire désespoir et avoir des pensées suicidaires : comment envisager de construire leur vie avec le Sida ?»

Une nouvelle phase du projet a été lancée avec quarante autres malades. Et toujours avec le soutien de la Cevaa. Avec l'expérience de la première phase, les priorités ont été revues : l'accent est mis davantage sur les actions de sensibilisation et sur des formes personnalisées d'accompagnement. «Deux personnes sont mobilisées pour informer, explique Donata Mawulawoe Etsi. Elles vont dans les écoles, les paroisses, et peuvent s'appuyer ponctuellement sur des personnes ressources. Il s'agit de démystifier, dédramatiser, lutter contre les fausses images et la stigmatisation qui accompagnent encore la maladie. Toutes ces activités sont toujours coordonnées depuis l'infirmerie de Notsé, où continuent à se dérouler les formations aux activités génératrices de revenus destinées aux malades.»

Franck Lefebvre-Billiez

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