2021, imprévisible et espérée

Or, en ces jours-là, Jésus vient de Nazareth de Galilée. 

Il est baptisé dans le Jourdain par Jean. Aussitôt, en remontant hors de l’eau, il voit se fendre les cieux,  

l’Esprit, comme une colombe, descendre sur lui. 

Une voix, des cieux : 

«Tu es mon fils, l’Aimé, en toi je me plais.» Aussitôt l’Esprit le jette dehors, au désert. 

Il est dans le désert quarante jours, éprouvé par le Satan. 

Il est avec les bêtes sauvages, et les anges le servent. 

Marc 1,9-13

Au commencement de l’année, voici le temps des vœux, nos regards tournés vers l’avenir, avec impatience ou appréhension. Il y a bien des manières de commencer. Chaque Évangile, par exemple, s’y prend d’une autre façon. 

Nous sommes peu de jours après la fête des rois, nommée aussi la fête de l’Épiphanie; ce vieux mot indique une manifestation, une mise en lumière, l’évidence, d’une présence divine. Et le récit du baptême de Jésus fait partie des traditions liées à l’Épiphanie.  

Dans ce récit, deux événements s’ajustent, en complétude et opposition, dès l’apparition publique de Jésus : son baptême d’eau et son envoi brutal au désert. D’emblée, Jésus est précipité dans deux mondes, l’un rafraîchissant et l’autre brûlant, l’un posé en miroir de l’autre. Et ce récit fait écho, en condensé, à ce que nous savons d’enchaînements confrontants, où une sensation de vide abyssal suit un sentiment de plénitude.

Herrade de Landsberg – Hortus déliciarum, 12e siècle, Mont Saint Odile – Alsace - DR
 

Le baptême est signe d’une naissance. Il y a la naissance d’en bas du ventre maternel et il y a celle d’en haut, élevés par la voix d’un Père qui, à la suite de Jésus, nous déclare ses Aimés, ses Aimées. 
Des naissances, nous en vivons au long de notre vie ; des douloureuses et des légères, dans la clarté ou la confusion. Parfois elles s’accompagnent d’une parole de bienvenue, d’une déclaration d’amour.
Chaque nouvel an, toujours fêté au cœur de l’hiver, peut aussi être vu comme l’occasion d’un enfantement nouveau. L’espérance y prend le goût d’une page ouverte où tout n’est pas écrit. 
Le désert est le signe d’une traversée aride et desséchante, et pourtant initiatique et victorieuse. De tels lieux et instants traversent notre quotidien quand il se fait usure, errance, abattement, désir de mort, surtout quand aucun amour ne s’y manifeste. Là est l’adversaire, le Satan, le rongeur de courage.

Et il y a ce détail : Jésus n’est pas seul au désert avec le Satan. Il forme une communauté de vie avec les bêtes sauvages et les anges. Nous savons qu’en nous aussi cohabitent sauvagerie et bonté, parts d’ombre et de lumière en nos vies. 

La force des bêtes sauvages est d’aiguiser nos peurs ; des peurs que nous nous faisons à nous-mêmes ou qui nous viennent de l’extérieur. Peur de l’immaitrisable. Jésus n’est ni effrayé, ni agressé par les bêtes indomptables. Peut-être que la cohabitation  de Jésus avec elles est une invitation à  accepter cette part de nous, à la nommer, confiants de ne pas leur être livrés. Quant aux anges, ces messagers de bonnes  nouvelles, n’ont-ils pas le visage de tous ces êtres qui veillent sur nous à longueur de vie, qui se relayent auprès de nous, circulent entre nous et nous unissent ? Farouches à leur façon, mais toujours passeurs de parole et de souffle.  

Le désert comme le baptême sont investis d’Esprit. Par Lui, Jésus se laisse plonger au fleuve et aller au désert. Cet Esprit surgit, par deux fois de manière brusque et dérangeante. Image de nos vies désertées et habitées, imprévisibles et accompagnées, aimées et espérées.

Débora Kapp
Extrait de la brochure de méditations et de prières Espérer - page 20 et 21

Disponible ici : https://www.paroisse-fribourg.ch/brochures/