Togo : "Nous avons besoin de soutien" — Communauté d'Églises en mission

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Togo : "Nous avons besoin de soutien"

Alors que la situation politique suscite de nombreuses inquiétudes au Togo, les Eglises jouent un rôle crucial pour maintenir le dialogue. Un programme destiné à appuyer ces efforts de médiation a été créé à l’initiative de l'EEPT (Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo) et de l'EMT (Eglise Méthodiste du Togo), toutes deux membres de la Cevaa. Il s'agit du Projet d'Accompagnement Œcuménique pour le Togo (PAOET). Entretien avec Comlan Prosper Deh, Accompagnateur Œcuménique et Coordinateur du PAOET.

FICHE PAYS
Le point sur le Togo

>> L'interview de l’archevêque de Lomé, Mgr Denis Amuzu-Dzakpah <<
>> L'appel à l'apaisement des Eglises du Togo <<

Comlan Prosper Deh, Accompagnateur Œcuménique et Coordinateur du PAOET © Cevaa/Défap

 

L'EEPT (Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo) et l'EMT (Eglise Méthodiste du Togo), membres de la Cevaa, ont diffusé le 2 octobre une déclaration commune pour « apporter leur soutien à l’offre de médiation faite par l’Eglise catholique du Togo », alors que les manifestations pour réclamer une réforme constitutionnelle et la limitation du nombre de mandats présidentiels se multiplient. Retrouvez ici le texte intégral de cette déclaration, et le point sur la situation au Togo.

 

Quelle est la situation actuelle au Togo ?

Comlan Prosper Deh : La situation est préoccupante, même si elle est calme. La semaine dernière encore, nous avons eu des manifestations. Nous rendons grâce à Dieu du fait qu’il n’y a eu ni affrontement, ni acte de violence, contrairement à ce qui s’était déjà produit. Mais d’autres appels à manifester ont été lancés pour les 4 et 5 octobre ; nous prions pour que, cette fois encore, tout se passe dans la paix.

Quelles sont les actions du PAOET pour désamorcer les tensions ?

Histoire récente du Togo

27 avril 1960 - Indépendance du Togo.
13 janvier 1967 - 4 ans jour pour jour après l'assassinat du Président Olympio, un coup d'Etat militaire provoque la chute du Président Grunitzky au profit du colonel Eyadéma (promu général en décembre) qui devient Président de la République en avril.
21 décembre 1986 - Le général Eyadema est réélu pour 7 ans à la présidence de la République, avec 99.95% des suffrages.
décembre 1991 - Formation d'un Groupe d'union nationale du Togo.
22 février 1997 - Mise en place de la Cour constitutionnelle du Togo.
7 juillet 1999 - Signature d'un accord de paix entre les belligérants sierra-léonais à Lomé.
27 juillet 1999 - Fin de la crise politique qui affecte le pays depuis le début des années 1990, suite à la signature d'un accord entre partis présidentiel et d'opposition.
30 décembre 2003 - Révision constitutionnelle qui permet au président d'être rééligible sans limitation du nombre de mandats (G. Eyadéma est à la tête de l'Etat depuis 1967).
1er janvier 2003 - G. Eyadéma remporte les élections présidentielles avec 59% des suffrages exprimés.
5 février 2005 - Le décès de G. Eyadéma ouvre une crise politique et institutionnelle, marquée par l'arrivée au pouvoir de son fils Faure Gnassingbe.
24 avril 2005 - Élection de F. Gnassingbé à la Présidence de la République dans des circonstances troublées.
juin 2005 - Un gouvernement d'ouverture dirigé par Edem Kodjo, membre de l'opposition modérée, engage la reprise du dialogue national, notamment sur le cadre électoral et l'organisation d'élections législatives transparentes.
16 août 2006 - Signature d'un accord politique global (APG) par l'ensemble des partis.
février 2010 - Élection présidentielle : Faure Gnassingbé est réélu avec 61% des voix.
juillet 2013 - Élections législatives. Le parti au pouvoir, l'Union pour la République (UNIR), obtient la majorité absolue avec 62 des 91 sièges du Parlement.
avril 2015 - Élection présidentielle : Faure Gnassingbé est réélu avec 58,77% des voix, lors d'un scrutin une nouvelle fois contesté par l'opposition.

Comlan Prosper Deh : Le PAOET [créé à l’initiative de l’EEPT (Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo) et de l’EMT (Eglise Méthodiste du Togo), toutes deux membres de la Cevaa, NDLR]  avec le soutien des partenaires œcuméniques appuie et accompagne le travail des Eglises, notamment dans leurs prises de position par rapport à la situation socio-politique. Des contacts ont été pris avec les évêques catholiques pour, autant que possible, harmoniser nos actions, voire peut-être décider d’une action unitaire. Nous observons de façon très attentive ce qui se passe sur le terrain de manière à prévenir un possible basculement de la situation.

Un basculement dans la violence est-il à craindre ?

Comlan Prosper Deh : Nous avons, sur le plan politique, deux positions radicalement opposées, celle du pouvoir et celle de l’opposition. Après les manifestations d’août et de septembre, le gouvernement a soumis à l’Assemblée un projet de réforme constitutionnelle prévoyant notamment la limitation à deux mandats présidentiels. Mais les députés de l’opposition ont exprimé en bloc leur insatisfaction, soulignant que le texte qui leur était soumis, ainsi formulé, laissait ouverte la possibilité pour le chef de l’Etat de se représenter en 2020. Il a été élu en 2005, à la fin de son mandat actuel il aura été à la tête du pays pendant 15 ans ; pour l’opposition, il était inacceptable d’envisager qu’il puisse se présenter de nouveau pour deux mandats successifs de 5 ans. Le texte a donc été approuvé par les seuls députés du parti au pouvoir [NDLR : il a remporté 62 voix sur 91, soit le nombre des députés représentant le parti présidentiel]. Il a obtenu la majorité des deux-tiers, mais n’a pas pu obtenir la majorité des quatre-cinquièmes qui aurait permis de valider directement la réforme constitutionnelle. Dans un tel cas, il revient au gouvernement de soumettre le projet de réforme au peuple togolais en organisant un référendum [NDLR : article 144 de la Constitution]. Or les partis d’opposition refusent l’idée même d’un tel référendum.

Pourquoi ce refus, et quelles en sont les conséquences possibles ?

Comlan Prosper Deh : L’opposition estime que les consultations informelles organisées à travers tout le pays par la Commission de Réflexion sur les Réformes ont déjà permis de connaître la volonté du peuple togolais. Cette Commission a été créée suite aux recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), de même que le Haut-Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l'Unité Nationale (HCRRUN), qui vise à permettre la réparation des dommages subis par les victimes de violences liées à la situation socio-politique entre 1958 et 2005 ; et ces deux instances sont dirigées par la même personne Mme Awa Nana Daboya. Les consultations ont été menées dans toutes les préfectures du pays et ont permis de constater une demande particulièrement forte, au sein de la population, pour que soient adoptées des réformes qui permettraient de limiter le nombre de mandats présidentiels. Dans beaucoup de localités, il a même été question d’un retour à la Constitution de 1992, qui avait été adoptée avec un soutien massif du peuple togolais (97%), mais qui a été modifiée en 2002 par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, à la demande de l’ancien chef de l’Etat, Gnassingbé Eyadéma( NDLR le père de l’actuel président) Sur la base de ces consultations, l’opposition veut que le président constate qu’il n’a plus de légitimité suffisante pour diriger le pays ; les manifestations organisées en août et septembre avaient déjà pour but de faire pression sur lui, pour qu’il cède la place. Par ailleurs, l’opposition estime que les conditions ne sont point réunies pour organiser des élections libres et transparentes en cas de référendum. Mais le pouvoir ne l’entend pas ainsi. La tension monte ; et si rien n’est fait, la confrontation va devenir inévitable, avec des conséquences incontrôlables.

Où en sont les efforts de médiation des Eglises ?

Comlan Prosper Deh : Les premiers responsables de l’EEPT et de l’EMT se sont réunis la semaine dernière. Ils ont adopté un plan d’action. Les deux Eglises ont apporté leur soutien à une offre de médiation qui a été faite par l’Eglise catholique. Des rencontres vont désormais être organisées avec les évêques pour harmoniser nos positions, avant de prendre des contacts avec tous les acteurs politiques, au pouvoir ou dans l’opposition, pour pouvoir engager une médiation. Mais le temps presse, et la situation, tendue, peut devenir explosive : nous avons besoin de soutien, notamment au niveau international, pour appuyer ces initiatives des Eglises. Il faut continuer à informer et sensibiliser sur la situation au Togo. Evidemment, il faut continuer à prier pour que la situation ne bascule pas.

Propos recueillis par Franck Lefebvre-Billiez

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