Vitalité de l’Église unie de Zambie — Communauté d'Églises en mission

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Vitalité de l’Église unie de Zambie

Du 9 au 18 janvier, the United Church of Zambia (UCZ), membre de la Cevaa, a célébré ses cinquante ans d’existence à Lusaka, en présence de représentants des Églises ayant participé à l'évangélisation du pays (comme celle du Lesotho) et d’anciens missionnaires européens venus de France, de Suisse, d’Ecosse... Avec 3 millions de membres, l’UCZ est en forte croissance et son rôle est reconnu par les institutions de Zambie, elle est très active dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’environnement, de la justice sociale... À l’occasion de ce Jubilé, retour sur un demi-siècle d’histoire de cette Église, à travers cet article d’Éric Trocmé, pasteur de l’EPUdF, présent en janvier en Zambie pour les célébrations.
Le site de l’UCZ
Le site de l’EPUdF

 

Image des célébrations du Jubilé à Lusaka © Éric Trocmé

Le lieu est habituellement dévolu à la grand-messe du football. Mais ce dimanche 18 janvier, le stade des héros nationaux de Lusaka accueille 20 000 supporters, non pour une compétition, mais pour un culte, celui qui clôt les festivités du Jubilé de l’Église protestante unie de Zambie, l’UCZ. Par milliers, les tenues chamarrées célèbrent l’événement. Imprimé pour l’occasion, le tissu du Jubilé, bleu, jaune ou orange vif, porte le logo de l’Église, la colombe de la paix, le verset « All on in Christ » (Jean 17/21). Les blouses rouges de la « sisterhood », les foulards bleus des mouvements masculins, le mélange noir, rouge, blanc pour signifier le chemin de conversion, des tenues plus austères, col clergyman costume noir, s’harmonisent pour le plaisir des yeux avec les bancs multicolores. Les chorales s’intercalent entre les différents moments d’une liturgie à la facture très réformée pour permettre à la foule non de chanter, mais de se lever, de bouger, de danser. La sono est tonitruante, mais audible, la prédication du pasteur Jerry Pillay, Secrétaire Général de l’Alliance Réformée Mondiale résonne sur les travées comme dans les esprits : « Sur le bord de la route, je rencontre un homme qui dit à voix forte “Jésus est le Seigneur”. Je l’interroge : “C’est pour convertir le monde que tu dis cela à la cantonade ? ” – Non, c’est d’abord pour moi ! Dire que Jésus est le Seigneur, c’est en effet aussi le dire pour soi, pour nous, pour nous inviter à agir : nous sommes dans le monde et non pas en dehors du monde » souligne-t-il en insistant sur la nécessité pour l’Église de « construire des ponts, de se tenir auprès des pauvres, des victimes d’injustice tout en étant vigilante à ne pas se laisser tenter par le pouvoir, la corruption, l’argent. »

Ce message rejoint celui que la Secrétaire générale de l’UCZ, le pasteur Peggy M. Kabonde, inscrivait dans la brochure de présentation du “Golden Jubilee” et qu’elle rappelait en ouverture du culte : « L’objectif des différentes manifestations du Jubilé est de rappeler que nous sommes unis dans notre diversité à travers la propagation de notre foi dans ce grand pays qui comporte plus de 70 groupes ethniques et autant de dialectes. Nous ne sommes pas concernés uniquement pas des contenus d’Église, mais aussi par le bien-être de nos compatriotes au niveau politique, social, là où ils sont opprimés, malades, exploités. Notre fidélité d’Église à l’exigence de justice est inhérente à la volonté de Dieu. » Une déclaration bien reçue par une Église en expansion, près de 3 millions de fidèles, pleine d’un zèle missionnaire et charismatique assumé, qui a su répondre aux attentes de beaucoup, trouver la voie pour toucher toutes les couches de la population, des cadres jusqu’aux personnes les plus simples et ainsi que le note Gilbert Beaume, pasteur à Lusaka de janvier 1971 à janvier 1975 « réussir sa zambianisation ! »

Naissance à Kitwe

Action de sensibilisation de l'UCZ dans le domaine médico-social © Éric Trocmé

Le culte se poursuit, le moment de revivre le repas du Seigneur arrive. Une longue liste de pasteurs s’égrène au micro. S’agit-il des desservants requis pour distribuer le pain et le vin ? L’écoute fait place à l’étonnement : tous ces noms mentionnés sont en fait ceux des missionnaires, ceux qui ont apporté l’Évangile. L’UCZ leur manifeste sa reconnaissance, elle célèbre ses racines dans les traditions ecclésiastiques qui ont été à son origine. C’est en effet il y a un demi-siècle qu’a été signé au collège théologique de Mindolo, à Kitwe, dans le Copperbelt, la région du cuivre où se constitue l’une des richesses principales de la Zambie, l’acte de naissance de l’UCZ. Autour de la table, l’Église du Barotsé qui venait de naître de l’action de la Société des Missions Évangéliques de Paris, l’Église du Copperbelt, issue de la Mission de Londres, de la Mission de l’Église d’Écosse et de la Mission méthodiste au Sud de la Zambie.

Plusieurs représentants de ces anciennes missions sont présents : un vieux monsieur écossais dont le kilt et la jovialité attirent pour des photos à ses côtés quelques membres de la délégation de l’Église protestante du Lesotho venue en nombre en raison de son apport dans l’évangélisation du pays, des anglais de l’Église protestante unie synode du Wessex. Et des Suisses et des Français venus célébrer l’événement, pour certains retrouver les bords du Zambèze près de 30 ans ou 40 après. Gilbert Beaume se souvient : « En 1974, nous étions trois pasteurs à Lusaka pour six lieux de culte et une dizaine de points de prédication. Aujourd’hui, on compte treize pasteurs à plein temps ! On a construit une demi-douzaine de très grands temples (mille places !) et multiplié les points de rencontre. Dans les années 70, on avait l’impression d’être une Église comme les autres… avec de nombreuses autres Églises protestantes et évangéliques. Aujourd’hui, on a l’impression que l’UCZ a su s’imposer comme l’Église protestante zambienne ! »

Le temps des bâtisseurs

À travers Lusaka © Éric Trocmé

Arrivés en 1956 pour diriger l’école professionnelle de Senanga (menuiserie, charpente, maçonnerie et bâtiment), puis postés à Sefula avant de rentrer fin 1963, Nicole et Jacques Fischer, un couple helvétique, ont connu l’isolement et la débrouillardise : « Rejoindre notre lieu d’implantation nécessitait plusieurs jours et une fois là-bas, nous étions quasiment coupés de tout. Il fallait tout faire soi-même, se débrouiller avec le minimum, savoir fabriquer des briques, construire des édifices … Cela nous a appris la vie. Notre génération connaissait pourtant des améliorations : aux yeux des anciens, nous étions considérés comme bien plus privilégiés qu’eux… »

Depuis, ils reviennent régulièrement retrouver les amis et l’Église et participent activement à la réunion des anciens de Zambie qui réunit chaque année plus de 50 participants venus de France, Suisse, Italie, Angleterre, Écosse, Belgique, Hollande. Il y a peu, leurs bagages contenait un ouvrage rédigé en anglais, récemment traduit en français et largement offert : « De la Mission de Paris au Zambèze à l’Église unie de Zambie, un résumé chronologique 1885-1965 »(¹).

Parmi les rédacteurs, le pasteur André Honneger, arrivé avec son épouse en 1960, en poste successivement à Mwandi, Lukona et Limulunga, impliqué dans les négociations ayant donné naissance à l’UCZ, venu pour l’occasion avec trois de ses enfants leur faire découvrir les lieux de leur enfance. « Après la création de la Cevaa en 1971 qui a succédé à la Société des missions pour regrouper en une même communauté des Églises issues de la mission et des Églises missionnaires, note-t-il, j’ai toujours fortement milité au sein du Défap qui regroupe les 5 Églises françaises membres de la Cevaa pour que l’esprit de cette communauté soit compris et partagé : la mise en commun sur un pied d’égalité des ressources humaines, financières et théologiques, le refus de l’aide directe. Par la suite, j’ai relayé et soutenu l’idée du pasteur Pierre Cadier de favoriser les échanges de pasteurs entre continents pour que les liens perdurent. Aujourd’hui, confesse-t-il, je suis très perplexe, je ne sais plus quoi penser : quelles relations maintenir, tisser ? »

Indépendance

Bâtiment de l'UCZ © Éric Trocmé

Il est sûr en effet que l’UCZ a bien changé depuis le temps des pionniers et des bâtisseurs. Les points de rencontre se sont multipliés, des milliers d’enfants sont inscrits dans les écoles bibliques et participent à des mouvements de jeunesse proches du scoutisme, les « Boy’s brigades » et les Girl’s brigades ». Plus de la moitié du gouvernement est membre de l’UCZ, les cadres ont étudié dans les écoles secondaires de l’Église, la jeunesse du corps pastoral est saisissante, de même que le nombre de femmes pasteurs. Partout, explique la Secrétaire générale, les laïcs sont à l’œuvre : « Les pasteurs de notre Église n’exercent pas un ministère individuel. Au contraire, le ministère des laïcs est encouragé à tous les niveaux pour être non seulement au service de l’Église, mais de toute l’humanité. »

Le Jubilé a fait longuement référence à toutes ces évolutions en s’ouvrant dès le lundi par un Symposium de plusieurs jours dans un des bâtiments gouvernementaux. Des personnalités éminentes de l’État en ont présidé les travaux, les titres universitaires des intervenants ont chaque fois été longuement détaillés pour en souligner l’honneur et la qualité pour l’UCZ. Théologienne originaire du Malawi, Fullata Mbano-Moyo, responsable du Département des Femmes au Conseil œcuménique des Églises, est intervenue la première pour souligner la place des femmes dans l’Église et en particulier dans les Églises africaines. Par la suite, seront abordées les responsabilités de l’UCZ dans les domaines de la santé et notamment du sida (le taux de prévalence avoisine les 15%, essentiellement les femmes et la population active), de l’éducation, de l’environnement, de la justice sociale. L’une des préoccupations majeure est l’identité zambienne. Le pasteur Gilbert Beaume, avec quelques autres, rappellera qu’une « identité ne peut s’élaborer qu’en dialogue avec les autres, avec le souci de l’universel. »

(à suivre)

Éric Trocmé

Retrouvez dès demain sur le site de la Cevaa la suite de cet article,
consacrée aux relations entretenues entre ces deux Églises membres de la cevaa que sont l'UCZ et l'EPUdF

 

(¹) De la Mission de Paris au Zambèze à l’Église unie de Zambie
Un résumé chronologique 1885-1965
Rédigé et édité par Philippe Burger, François Escande et André Honneger, publié par le Défap,
Paris, 102 boulevard Arago, 75014 Paris

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