Attentat à Paris : pourquoi Charlie Hebdo a été pris pour cible — Communauté d'Églises en mission

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Attentat à Paris : pourquoi Charlie Hebdo a été pris pour cible

L'attaque qui a visé l'hebdomadaire satirique le 7 janvier à Paris a suscité une émotion sans précédent en France, et des marques de solidarité dans le monde entier. Au-delà des douze victimes de la fusillade, c'est le vivre ensemble au sein de la société française qui se trouve pris pour cible. Les responsables religieux ont dénoncé cet attentat et mis en garde contre les risques d'amalgame avec l'islam.

LE COMMUNIQUÉ DE LA FPF
LE COMMUNIQUÉ DE LA FPF
LE COMMUNIQUÉ DU DÉFAP

>> Comment s'est déroulée l'attaque contre Charlie Hebdo (Le Monde) <<
>> Des suspects recherchés (en direct sur Le Parisien) <<
>> Charb, Cabu, Tignous, Wolinski... Les morts de la fusillade (Le Point) <<

 

L'attaque de Charlie Hebdo a suscité de multiples réactions de dessinateurs de presse dans le monde entier : ici, caricature publiée au Canada : "Quand on entend satire... On tire"

Douze morts, dont dix journalistes et deux policiers ; des déclarations politiques pour une fois unanimes en France, qui toutes soulignent l'horreur d'une attaque visant délibérément cette valeur socle des libertés publiques qu'est la liberté d'expression, et menaçant directement le « vivre ensemble » de la société française ; des marques de solidarité venues du monde entier... L'attentat qui a visé, le mercredi 7 janvier, l'hebdomadaire Charlie Hebdo a suscité une réaction d'une vaste ampleur. Aussitôt traduite par l'annonce d'une grande manifestation républicaine organisée le dimanche 11 janvier à Paris (à laquelle pourrait participer le président François Hollande, fait inédit depuis la présidence de François Mitterrand), mais aussi par une chasse à l'homme inaccoutumée et suivie en direct par tous les médias français. Une dimension parfaitement perçue, mais parfois mal comprise au-delà des frontières françaises. Elle s'explique par l'aspect symbolique de la cible choisie (un journal satirique : des balles contre des dessins), par le cri poussé par les assaillants (« Le prohète est vengé »), dénoncé aussitôt par tous les représentants musulmans mettant en garde contre le risque des amalgames entre action violente et islam, et par la posture même choisie au fil des ans par Charlie Hebdo.

Face aux extrémismes, tous les extrémismes, qu’ils soient politiques ou religieux, l’hebdomadaire satirique avait choisi la dénonciation frontale. Le rire comme arme. Au point d’être accusé, parfois, d’irresponsabilité. Face à la polémique, en septembre 2012, la rédaction avait choisi de publier deux versions d’un même numéro, l’une estampillée «journal irresponsable», l’autre «journal responsable». Sur la couverture du premier, un homme des cavernes tenant une torche et un bol d’huile, sous le titre «L’invention de l’humour». Sur la couverture du second, une simple page blanche barrée de rouge et ce surtitre : «Fini de rire». 

Le précédent des caricatures de Mahomet

Depuis l’affaire des caricatures de Mahomet, les journalistes avaient été placés à plusieurs reprises sous protection policière. Tout avait commencé en février 2006 : l’hebdomadaire avait alors reproduit une série de dessins parus six mois plus tôt dans le journal danois Jyllands-Posten. Au Danemark, ces caricatures avaient provoqué des menaces contre le journal ; le Jyllands-Posten devait d’ailleurs être la cible d’une tentative d’attentat en décembre 2010. En France, la reprise de ces dessins par Charlie Hebdo avait eu pour conséquence un dépôt de plainte par des associations musulmanes. Et un procès au Palais de justice de Paris, à l’issue duquel la chambre de la presse et des libertés rappelait, dans son jugement, que «le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe à ce titre à la liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions». Par la suite, l’hebdomadaire satirique devait à plusieurs reprises dénoncer l’islamisme radical : en publiant un numéro spécial "Charia Hebdo, Mahomet rédacteur en chef" après l’arrivée au pouvoir du parti islamiste Ennahda en Tunisie, en octobre 2011 ; ou encore en mettant en scène un Mahomet dénudé dans une parodie de scène du Mépris, de Godard, après les violences suscitées partout dans le monde par le film islamophobe L’innocence des musulmans. A chaque fois, la publication de ces numéros avait été suivie de menaces de mort contre la rédaction du journal. Mais aussi de tensions autour des communautés chrétiennes vivant dans des pays majoritairement musulmans...

En ce mois de janvier 2015, quelques jours avant la fusillade en pleine rédaction, le dernier numéro de Charlie Hebdo montrait un dessin de Charb sous le titre "Toujours pas d’attentat terroriste". Il montrant un homme portant une ceinture de bombes qui menaçait : «Attendez, on a jusqu’à la fin janvier pour présenter ses vœux».

« Poursuivre l'élan de partage, de dialogue et de fraternité »

Face à l’horreur de ce massacre, les responsables religieux, pourtant régulièrement pris pour cibles par le journal satirique, ont réagi avec une même vigueur. A commencer par les représentants musulmans. Premier interrogé sur BFMTV après l’attaque, l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, s’est dit «très en colère. Cela n’a rien à voir avec l’islam. Ils ont perdu leur âme, vendu leur âme à l’enfer. Nous pleurons tous, toutes les familles françaises pleurent.» Avant de conclure : «J’espère que les Français seront tous ensemble, solidaires, et sauront ne pas faire l’amalgame avec l’islam». Interrogé par le journal La Croix à la sortie d’une rencontre avec le Pape, Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, a dénoncé : «Les musulmans sont traumatisés, ils en ont marre. Cette majorité silencieuse se voit prise en otage par des fêlés». Et d’appeler «la communauté musulmane» à «se révolter». Mohammed Moussaoui, président de l’Union des mosquées de France, également présent au Vatican mercredi, a jugé pour sa part qu’il «n’y a pas de mots assez durs et assez forts» pour condamner ces actes, à travers lesquels la religion se retrouve «instrumentalisée par des criminels». 

Pour les catholiques, la Conférence des Évêques de France, après avoir adressé «ses pensées aux familles et aux proches des victimes qui se trouvent face à l’horreur et à l’incompréhension», a dénoncé : «Une telle terreur est évidemment inqualifiable. Rien ne peut justifier une telle violence. Elle touche de plus la liberté d’expression, élément fondamental de notre société. Cette société, constituée de diversités de toutes sortes, doit travailler sans cesse à la construction de la paix et de la fraternité. La barbarie ainsi exprimée dans cet assassinat nous blesse tous.» 

«Au nom du protestantisme français, nous exprimons notre révolte et nous condamnons cet acte odieux qui touche nos cœurs et nos consciences», peut-on lire dans le communiqué de la Fédération Protestante de France, qui rappelle «combien la vie humaine est précieuse aux yeux de Dieu» et réaffirme «que la République laïque et ses valeurs, notamment la liberté de conscience, la démocratie et la liberté de la presse demeurent pour nous au fondement de notre vivre ensemble.»

La Conférence des Responsables de culte en France, qui regroupe six instances responsables du Bouddhisme, des Églises chrétiennes (Catholique, Orthodoxe, Protestante), de l’Islam et du Judaïsme, s’est réunie jeudi ; elle a diffusé une déclaration dans laquelle ces responsables se disent unanimes dans la défense «des valeurs de la République, liberté, égalité, fraternité, et en particulier, la défense de la liberté d’expression», et affirment leur engagement à «poursuivre cet élan de partage, de dialogue et de fraternité».

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